FreeVelo’v : une bonne idée, maiiiis…

Ecriture "ajouter du vert" fléchée vers un âne. Photo par TS Sergey sur Unsplash

FreeVelo’v, le budget imprévu

FreeVelo’v, c’est 10 000 vélos pour 10 000 jeunes boursier·e·s.

Ce qui est sûr, c’est qu’avec son concept simple à expliquer, cela en fait un super vecteur de communication pour la Métropole !

Mais qu’est-ce qui se cache derrière cette simplicité ?

D’où viennent ces 10 000 vélos ?

Des vélos « durables »…

Ces vélos sont issus de flottes de vélos en « libre-service » comme ceux qui ont encombré les trottoirs de la Métropole avant de finir en flop (voir source 1 et source 2).

Plus précisément, ils proviennent de la start-up Donkey Republic qui déploie ses vélos dans plus de 50 grandes villes européennes (Barcelone, Copenhague, Berlin ou encore Amsterdam (source 3)) et sont acheminés à Lyon pour y être démontés, décapés et repeints en vert écologie.

Ce sont des vélos de qualité moindre, équipés de pièces non standardisées (ce qui empêche de les réparer soi-même). Comme les Velo’V, ils ne sont équipés que de 3 vitesses et sont de taille unique : c’est certes suffisant pour un usage occasionnel, mais cela ne saurait convenir à une utilisation quotidienne sur de bonnes distances : les nombreux·ses cyclistes du quotidien savent qu’il est nécessaire de disposer d’un vélo adapté à leur morphologie.

Ces vélos ont une durée de vie estimée à 4 ou 5 ans d’après l’entreprise (source 4). Bien loin de ce qu’on pourrait qualifier de « durable », au regard des vélos qui fonctionnent pendant des dizaines d’années grâce à l’entretien et au réemploi proposés dans les ateliers vélos participatifs et solidaires.

Les jeunes qui bénéficieront des vélos devront les entretenir/réparer à leur charge et donc viendront (probablement) dans les ateliers d’autoréparation.

Le “ruissellement des richesses” revisité ?

Vous avez dit « économie circulaire » ?

Nous nous interrogeons sur le fait que les collectivités fassent le jeu de ces entreprises de l’innovation en offrant des débouchés rémunérateurs à leur produits « jetables ». Car dans ce cas, parler d’économie circulaire relève plutôt du concept marketing. D’autant que la loi sur la Responsabilité Élargie du Producteur transforme ce processus en cercle vert-ueux : les entreprises peuvent monnayer le traitement des déchets qu’elles surproduisent, les associations d’insertion apportent des travailleur·euse·s qui ne coûtent pas cher pour effectuer ces tâches répétitives. En lorsque cela se fait au bénéfice d’une collectivité pour des jeunes précaires, la boucle est bouclée !

L’insertion : parlons-en

Par rapport au coût du VéloV (2000€ par vélos par an – source 5), le prix de 400 euros (par vélo pour 5 ans) est très faible. Le recours au travail en insertion permet de faire baisser ce coût (source 6). Pour le groupe Velogik (qui a remporté ce marché public en s’associant avec le groupe d’insertion Estime (source 7)), il s’agit d’un produit d’appel voire même une opération à perte dans l’espoir de remporter d’autres marchés de ce nouveau type : de l’insertion, sauce start-up.

4,8€ millions du Grand Lyon pour 10 000 vélos, soit 400€/vélo (à condition qu’ils atteignent les 10 000 !).

N.B. : les coûts sont tellement écrasés après démontage, sablage et peinture qu’il ne reste qu’une quinzaine d’euros pour les consommables et équipements périphériques pour chaque FreeVelo’v (gaines et câbles de freins, sonnette, poignées, etc). Même au Chat perché, on n’arrive pas aussi bas avec le prix libre !

Aussi, quelle considération pour les personnes employées « en insertion » ? Remettre en état des vélos du même modèle, à la chaîne constitue-t-il une quelconque formation dans la mécanique cycle ? Un tel travail répétitif sera t-il la clé pour leur faire (re)gagner en autonomie, estime de soi et épanouissement ?

Pourquoi les ateliers d’autoréparation (CLAVette ou non) ne participent pas au projet des 10 000 vélos – FreeVelo’v

…même si on l’avait voulu, ce n’était pas possible :

  • Objet : réparation/rénovation (peinture, etc.) de vélo ET services de location (suivi des bénéficiaires, des vélos, etc.)
    Ce qui n’a rien à voir avec de l’autoréparation.
  • Matériel : Nous n’avons pas de surplus de vélos.
    Les ateliers d’autoréparation vendent déjà ce qu’ils retapent.
    Nous n’aurions pas pu trouver 2000 vélos de plus par an.
    Le cahier des charges était très contraignant (pas de vitesses au cadre, ni vélo de course, VTT, etc.)
  • Forme : Marché Public
    En tant que coordination d’associations de quartier, la CLAVette n’a pas vocation à s’inscrire dans l’économie concurrentielle. Un des ACI (Atelier Chantier d’Insertion) a insisté pour qu’on s’associe à leur candidature mais nous avons refusé pour les raisons ci-dessus.

Autant dire qu’on est plutôt amères surtout quand on compare ça au soutien du Grand Lyon aux ateliers d’autorep’ ou même aux autres assos vélos de terrain.
A voir si ça change dans les mois à venir.

Au fait, pourquoi on voulait vous parler de FreeVelo’v ?

Ce qui nous chagrine en tant qu’atelier d’autoréparation, c’est de ne pas avoir été concertés avant d’être ajoutés sur le site de FreeVelo’v comme atelier où réparer ces vélos, on cite : “(et gratuitement !) ” ? (source 8)

On se questionne de l’utilisation de l’objet vélo à des fin publicitaires. C’est sûr que 10 000 vélos pour 10 000 jeunes, c’est un beau slogan ! On doute que les 10 000 vélos soient prêtés d’ici à 2026, tout comme les 250 km de voies lyonnaises, réalisées. Mais la com’ est partie, même au niveau national. Est-ce là le principal ? On espère se tromper.

Il y a encore beaucoup à faire pour mettre en pratiques les recommandations du Plan vélo citoyen.

Car le Chat Perché, mais aussi d’autres ateliers d’autoréparation de la Métropole de Lyon ont, chacun à leur façon, besoin du soutien des collectivités en particulier en ce qui concerne l’accès à un local pérenne et décent ! Et pour le coup, niveau budget, ils sont bien loin de nécessiter 4,8 millions car la plupart d’entre eux tiennent à leur indépendance et tendent à l’autofinancement.

Par contre, une prise en compte des besoins premiers de ces ateliers est nécessaire pour juste continuer et pérenniser ce qu’ils apportent comme service aux lyonnais·es depuis de nombreuses années.


Sources

Plan Vélo Citoyen : https://lavilleavelo.org/2020/01/14/municipales-2020-un-plan-velo-citoyen-pour-une-metropole-cyclable-pour-toutes-et-tous/

1 – Echec des « Indigo Weel » : https://www.lyoncapitale.fr/actualite/indigo-weel-arrete-la-location-des-velos-a-lyon-autopsie-d-un-echec

2 – Echec des « Gobee Bike » : https://www.lyoncapitale.fr/Actualite/Toujours-introuvables-a-Lyon-les-velos-Gobee-bike-quittent-l-Italie

3 – D’où viennent les vélos de FreeVelo’v : https://freevelov.grandlyon.com/les-coulisses/

4 – Les vélos en libre-service Donkey Republic jouent la carte du durable à Paris : https://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/les-velos-en-libre-service-donkey-republic-jouent-la-carte-du-durable-a-paris-27-09-2019-8161356.php

5 – Vélo’v : le bilan de dix ans de libre-service : https://www.leprogres.fr/lyon/2015/05/29/lyon-dix-ans-de-velo-v

6 – Rémunération en insertion : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F14100

7 – Estime et Vélogik s’associent pour créer un Atelier Chantier d’Insertion (ACI) : https://www.velogik.com/estime-et-velogik-sassocient-pour-creer-un-atelier-chantier-dinsertion-aci/

8 – Les ateliers sont mentionnés sur le site FreeVelo’v ; il paraît que des experts apprennent aux détenteurices de FreeVelo’v à réparer leur vélo, de manière gratuite : “vous apprendrez à réparer vous-même (et gratuitement !) votre vélo avec l’aide d’experts“. https://freevelov.grandlyon.com/nos-conseils-velo/